Propos suite à la publication par les évêques flamands d’une prière spécifique pour les couples homosexuels.

Texte envoyé au journal  la Croix et publié le 30 septembre 2022 à la suite de la publication  par les évêques flamands d’une prière spécifique pour les couples homosexuels.

Pour les membres du Conseil d’administration de l’association Devenir Un en Christ, représentés par Jean-Philippe Cavroy et Timothée de Montgolfier, la publication par les évêques flamands d’une prière spécifique pour les couples homosexuels s’inscrit dans une « indéniable évolution » de l’Église dans son accueil des croyants homosexuels.

L’association Devenir Un en Christ a été créée il y a plus de trente-cinq ans sur le constat qu’il n’y avait pas de lieu où les personnes catholiques homosexuelles et leurs proches pouvaient se réunir, sans crainte d’un jugement de valeur, pour rechercher l’unification intérieure, au Christ et à son Église.

Si nous avons pu être blessés par certaines positions rigides, bien peu compréhensibles pour les croyants homosexuels renvoyés à leur seule sexualité, nous avons souvent été les témoins – et encore plus dans les dix dernières années – de l’indéniable évolution de la pastorale de l’Église catholique sur cette question.

Nous avons vu se développer dans de nombreux diocèses des initiatives variées pour l’accueil des personnes concernées par cette réalité. Nous avons vu des luttes, des avancées, des reculs parfois, des réticences, des blessures, des joies qui rythment le chemin de l’Église de France dans l’acceptation pleine et entière des personnes homosexuelles dans la communauté des croyants.

Une heureuse dynamique pastorale.

Cette évolution a été largement encouragée par le pape François qui, sans jamais toucher au Magistère – parfois rappelé abruptement par le Vatican –, a eu dans un premier temps des paroles individuelles fortes (dont son célèbre : « Si une personne est gay et cherche le Seigneur et qu’elle est de bonne volonté, qui suis-je pour juger cette personne ? »), puis a souhaité, à travers l’exhortation apostolique Amoris laetitia, le développement de pastorales d’accueil des personnes se trouvant en « situation complexe ».

Nous y avons vu une invitation pour tous les chrétiens à se recentrer sur le cœur de l’Évangile, à respecter chaque personne telle qu’elle est, et à faire preuve de miséricorde, de discernement et d’encouragement pour toute personne cherchant honnêtement Dieu. Les quatre verbes si importants dans cette exhortation : accueillir, accompagner, discerner, intégrer, nous pensons qu’ils sont pour nous aussi.

La récente proposition des évêques flamands de créer un temps spécifique de prière pour les baptisés en couple homosexuel nous semble s’inscrire pleinement dans cette heureuse dynamique pastorale. Comme à notre habitude, nous nous refusons à entrer dans les débats politiques ou théoriques, à commenter la conformité du texte par rapport au Magistère. Nous laissons le soin aux théologiens, aux exégètes, aux biblistes et aux canonistes, bien plus aptes que nous, de débattre sur la validité de ce temps proposé, ainsi que son appellation : temps de prière ? bénédiction ? liturgie ?

Témoin de la fécondité

Toutefois notre association a une voix à porter en tant que témoin de la fécondité réelle et incarnée de l’union fidèle des personnes homosexuelles. Aujourd’hui, nous voulons simplement rendre grâce à Dieu parce que des évêques de l’Église universelle, successeurs des apôtres, confirment que l’amour que se portent deux individus de même sexe nous dit quelque chose de l’amour du Seigneur et que, si cet amour n’est peut-être pas du même ordre que celui des époux sanctifiés dans le mariage, il peut être porteur de beaux fruits, source de réjouissance pour l’Église, et mériter que l’on en dise du bien.

Nous nous réjouissons que les personnes ayant fait le choix, en conscience, du couple homosexuel stable et fidèle, puissent être accueillies par la communauté paroissiale et portées dans la prière. Plus largement, nous sommes heureux de voir que l’Église, dans sa compréhension sans cesse renouvelée des Écritures, puisse prier pour et avec ses enfants, quels que soient leurs états de vie, sans s’arrêter à une vision binaire du « permis/défendu ».

Un Dieu d’amour

L’actualité de l’Église montre une volonté croissante des fidèles et de nombreux clercs pour un accueil accru de toutes les réalités en son sein, sans que le Magistère – qui conserve toute son importance – ne soit brandi comme un instrument d’exclusion. Notre association, à la modeste place qui est la sienne, souhaite être une pierre vivante de cette Église que nous aimons et dont nous faisons pleinement partie. Nous nous associons à toute initiative, telle celle des évêques flamands, visant à ce que les personnes homosexuelles et leurs proches puissent s’approcher du Dieu d’amour, de tendresse et de miséricorde que nous révèle le Christ.

Nous sommes persuadés que personne ne peut décider abstraitement à la place d’une personne ce qui est bon pour elle. C’est pourquoi toute initiative pastorale visant à permettre aux personnes homosexuelles de répondre à l’appel du Seigneur à le suivre à partir de là où elle en est et non de là où l’on pense qu’elle devrait être, a une vraie saveur évangélique.

Conforme à « Amoris laetitia »

Le couple homosexuel n’est évidemment pas l’unique voie d’épanouissement possible pour les personnes homosexuelles, mais nous voyons que celles qui vivent cette réalité témoignent tout autant que les autres des grâces reçues, du don de soi, de la persévérance dans l’amour et la charité, de la fidélité, de la chasteté conjugale, d’une vraie fécondité et de l’ouverture aux autres.

Appeler sur elles la prière communautaire pour les soutenir et les accompagner dans cette voie qui les rend heureux et féconds semble tout à fait conforme à l’exhortation apostolique Amoris laetitia qui rappelle que « l’Église adopte l’attitude du Fils de Dieu qui va à la rencontre de tous, sans exclure personne ».

Nous relevons que le texte des évêques flamands ne propose pas de bénédiction des couples homosexuels ni ne fait d’amalgame avec le mariage chrétien. En revanche, il apporte manifestement une reconnaissance à l’engagement mutuel des personnes homosexuelles à l’amour et la fidélité devant Dieu. Les paroles de la prière proposée invitent les deux personnes à prononcer devant Lui un engagement qui résonne en nous : « Nous avons confiance en Ta proximité, et donnés l’un à l’autre pour toujours, nous voulons vivre de ta Parole. »

La prière de la communauté qui suit, « pour que la grâce de Dieu agisse en eux, pour qu’ils prennent soin l’un de l’autre et pour la communauté élargie dans laquelle ils vivent », ne peut qu’inviter toute personne à se réjouir avec le couple de cet engagement profondément chrétien.

 

Jean-Philippe Cavroy et Timothée de Montgolfier

pour Devenir Un en Christ