Réactions d’Isabelle Parmentier

Au sujet de la bénédiction des unions de personnes du même sexe. Rome, 15 mars 2021

Réaction à la note explicative de la Congrégation pour la doctrine de la foi. par Isabelle PARMENTIER.

« L’Eglise dispose-t-elle du pouvoir de bénir des unions de personnes du même sexe ? » Réponse : non. » Voilà, c’est dit. Fin de non-recevoir. Fermez la porte ! Comment ne pas ressentir colère et consternation et révolte devant cette nouvelle violence gratuite faite aux personnes homosexuelles ? Etrange coïncidence : les évêques de France reçoivent, ce même jour, un appel sous forme de lettre ouverte de la part de parents d’enfants homosexuels. Les parents y demandent « la prise en compte de la dignité de leurs enfants par la doctrine de l’Eglise » et supplient les évêques « d’avoir à cœur de diminuer les souffrances provoquées par l’ignorance et l’incompréhension et d’enrichir l’Eglise en reconnaissant une place pleine et entière aux personnes homosexuelles. »  La rencontre aura-t-elle lieu ? Du moins, voici les évêques de France placés devant une alternative claire : accueillir ou exclure. Dit autrement : obéir à l’Exhortation Amoris Laetitia ou à la note de la Congrégation pour la Doctrine de la foi ?

D’où vient la question posée ? Qui a bien pu la poser ? Elle ne vient pas de nulle part. Elle n’arrive pas non plus n’importe quand, mais quatre jours avant le 5 ème anniversaire de la publication de l’Exhortation apostolique Amoris Laetitia et l’ouverture, le jour de la Saint-Joseph, par le pape François, d’une année mondiale consacrée à la famille. Comment ne pas percevoir ici un geste politique de résistance ouverte au pape François, un démenti glacial et insultant à la démarche de l’Exhortation, le contrepied de la conversion pastorale appelée de ses vœux parle pape ?

Amoris Laetitia invite à renoncer aux jugements intempestifs, aux questions/réponses lapidaires, toutes faites, à portée universelle, jetées « comme des pierres lancées à la vie des personnes ». (A.L. 305) Où est passée l’éthique du discernement, de l’accompagnement et de l’intégration qui implique la nécessaire durée, le ‘pas à pas’ et le ‘cas par cas’, à la lumière de l’Évangile ? D’ailleurs, où est l’Evangile dans cette note autoréférencée ? Tout voir dans le regard du Christ, est la démarche-clé de l’Exhortation : Jésus, le seul maître,se comporterait-il ainsi ? « Que nous importe, c’est ton affaire » ont dit lâchement les grands-prêtres à Judas regrettant son méfait. « Que nous importe, c’est votre affaire » semble dire la note romaine, abandonnant du même coup les couples homosexuels à leur désespérance, allant jusqu’à leur refuser la bénédiction de Dieu.

Que reste-t-il, alors, à ces couples qui tentent de s’aimer dans la fidélité et la stabilité ? N’y a-t-il pas plus grand péché que de voler l’espérance à quelqu’un ? Ce que le pape François n’a pas fait pour les personnes divorcées remariées, la congrégation pour la doctrine de la foi ose donc le faire pour les personnes homosexuelles. Contre le pape.

Mais une intention peut en cacher une autre. On sait aujourd’hui à quel point le pape François est cerné par des oppositions de plus en plus virulentes. Les propos qu’il a tenus récemment, estimant que les personnes homosexuelles ont le droit d’être en famille et qu’elles ont droit à une couverture civile légale, a provoqué une vive polémique. Le Vatican (mais qui est le Vatican ?) avait précisé en hâte que le pape François n’avait en aucun cas voulu remettre en cause le dogme du mariage entre un homme et une femme. Evidemment. Chaque pas en avant du pape semble provoquer deux pas en arrière chez certains prélats de la Curie.

 En Allemagne, la pratique de bénédictions données à des couples homosexuels par des prêtres s’est multipliée et le sujet est à l’ordre du jour du Chemin synodal lancé en 2019 avec l’approbation du président de la conférence des évêques allemands. Aux yeux de certains responsables romains, hostiles à toute avancée sur le sujet brûlant de l’homosexualité, la maison est en feu. Il leur fallait agir et contrecarrer le pape au plus vite. Par conséquent, on peut se demander si – bien plus que les personnes homosexuelles – la personne réellement visée par cette note n’est pas le pape François en personne.

Une attaque camouflée, où il se retrouve pris de court et piégé, obligé de donner son accord. Il n’a cependant pas signé cette note. Un air de déjà vu : dans l’évangile de Jean, la femme prise en flagrant délit d’adultère jetée en pâture par les pharisiens était elle aussi apparemment au centre, seule accusée officielle. Apparence trompeuse ! En vérité, elle n’était qu’un prétexte car, souligne le rédacteur lui-même, c’est bien le procès de Jésus que fomentent les gardiens de la Loi. « Ils parlaient ainsi dans l’intention de lui tendre un piège, pour avoir de quoi l’accuser ». (Jn 8, 6) Une Eglise divisée.

A Rome et ailleurs en Europe, chez nous en France, deux courants s’affrontent de plus en plus ouvertement. Ce texte polémique ne peut qu’accentuer les divisions déjà existantes. On peut aisément imaginer quels évêques se désolent de ce texte et qui sont ceux qui s’en réjouissent, confortés dans leur homophobie à peine dissimulée sous une miséricordieuse, onctueuse condescendance charitable. Bénir les personnes, oui, pas de problème ! Mais pas question de bénir les couples. On ne peut guère faire mieux en hypocrisie. C’est la relation sexuelle qui est condamnée. La multiplication des appels à accueillir « avec respect et délicatesse les personnes à tendance homosexuelle » n’y fait rien : les personnes concernées, vivant en couple ou pas, n’ont que faire de ces apitoiements ecclésiastiques. Elles ont juste besoin d’espérance, et celle-ci passe par un minimum de reconnaissance et de respect.

Rares sont les couples qui réclament une bénédiction nuptiale, et en France, la majorité des chrétiens missionnés dans les diocèses pour les accompagner, ne la pratiquent pas non plus. À ma connaissance, il s’agit d’une tout autre démarche, pas forcément liturgique, mais qui peut être liturgique, qui vise à reconnaître simplement Dieu présent, mystérieusement présent dans l’amour particulier que ces couples vivent. Qu’avons-nous à proposer ? Quelles symboliques, quels gestes nouveaux inspirés de l’Ecriture, quels rituels simples et parlants pourrions-nous inventer, en fidélité à l’Ecriture et à la tradition, sans célébration d’aucun sacrement ? Pour sortir du « sacrement ou rien ». Une discrimination juste ? Quelle espérance reste-t-il aux couples homosexuels si la bonté de Dieu leur devient interdite ? Le pape a beau répéter que la réalité est supérieure à l’idée, c’est ici leur réalité de couples homosexuels essayant de construire un amour stable et durable qui est nié. On ne peut pas dire qu’ils n’ont pas élevé la voix ces dernières années, mais qui les écoute vraiment, en dehors du pape ?

Comme pour s’excuser, et en s’abritant derrière le pape François, le cardinal Ladaria rappelle que « Dieu aime chaque personne et l’Eglise fait de même », et que l’Eglise refuse toute « discrimination injuste ». (& 2) Cette formule maladroite déjà maintes fois utilisée reste irrecevable par beaucoup. Franchement, en dehors des canonistes, qui admet qu’il puisse exister une discrimination « juste » ? La note reprend la formulation du catéchisme catholique, citée aussi dans Amoris Laetitia. Mais le « non » adressé aux couples homosexuels est-il ajusté à Dieu ? Des dégâts collatéraux ad extra mais aussi ad intra – En dehors du tortfait aux personnes concernées, de la désastreuse image que donne une nouvelle fois l’Eglise institutionnelle à la société, on peut redouter un effet nocif immédiat pour l’Eglise en interne, en France comme ailleurs.

En ce temps de pandémie où, comme tout le monde, les chrétiens sont fragilisés, l’Eglise perd un peu plus sa crédibilité. L’année Amoris Laetitia démarre mal. Dans de nombreux  diocèses, des initiatives sont prises, les communautés font des projets. Même si le Bureau national ‘Famille et société ‘ de la CEF travaille le dossier et prépare de belles initiatives, l’épiscopat français, lui, reste étrangement silencieux. On peut redouter que, pris en tenaille entre le tragique dossier des abus sexuels, les révélations fracassantes annoncées en septembre par la commission de la CIASE, et cette question gênante concernant les couples homosexuels ravivée par la note présente, l’épiscopat français botte en touche, préférant enterrer les questions qui fâchent, restant plus consensuellement centré sur Laudato Si qui l’expose moins aux critiques et, finalement n’honore purement et simplement pas l’année Amoris Laetitia. Peut-être la clôtureront-ils par une célébration festive ? Sauve-qui-peut. –

Plus grave et à plus long terme, la note ne peut être que ressentie par les services diocésains de pastorale familiale ayant fait le choix de créer une pastorale avec les personnes homosexuelles et leurs familles, comme une remise en cause de leurs options. En réalité, c’est le bien-fondé du choix pastoral des évêques qui est visé en première ligne et condamné. L’accompagnement dans la durée qu’offrent depuis plusieurs décennies aux personnes homosexuelles et aux couples les chrétiens, – laïcs, diacres et prêtres – missionnés par leurs évêques dans de nombreux diocèses, est ébranlé. Il n’est pas tenable de défendre devant les parents cette note qui discrimine leurs enfants en éteignant en eux tout espoir de les voir former des couples stables et heureux. La Congrégation pour la doctrine de la foi avec cette note hors sol et atemporelle, va en décourager beaucoup, tandis que d’autres se frotteront les mains. La charité peut-elle se réjouir de faire autant de mal ?

L’évêque d’Anvers, Mgr Johan Bonny vient d’exprimer sa honte devant la position du Vatican : « Je tiens à présenter mes excuses auprès de tous ceux pour qui c’est douloureux et incompréhensible : les couples homosexuels religieux et catholiques, les parents et grands-parents de couples homosexuels et leurs enfants, le personnel pastoral et les conseillers de couples homosexuels » explique-t-il dans De Standaard. « Leur douleur pour l’Eglise est la mienne aujourd’hui. Je suis en colère et j’ai honte. »

Quelle crédibilité, quelle autorité peut être reconnue à cette partie d’Eglise sûre d’elle-même qui juge et tranche du haut de sa cathèdre ? Le pape le premier affirme une attitude pastorale christique opposée : « Personne ne peut être condamné pour toujours, parce que ce n’est pas la logique de l’Évangile ! Je ne me réfère pas seulement aux divorcés engagés dans une nouvelle union, mais à tous, en quelque situation qu’ils se trouvent. » N° 297 Tous… ? Y compris les couples homosexuels ?

Oser discuter les arguments théologiques. La quasi-totalité de la note est occupée par la question de la bénédiction. Mais avant d’y arriver, comme le font la presse et les médias, c’est le paragraphe de la fin qui donne la clé de compréhension de la longue page qui le précède. « L’Eglise rappelle que Dieu lui-même ne cesse de bénir chacun de ses enfants en pèlerinage dans ce monde, car pour Lui « nous sommes plus importants que tous les péchés que nous pouvons commettre ». Mais il ne bénit pas et ne peut pas bénir le péché : il bénit l’homme pécheur, afin que celui-ci reconnaisse qu’il fait partie de son dessein d’amour et se laisse changer par Lui. Car il nous prend comme nous sommes, mais il ne nous laisse jamais comme nous sommes. » –

L’homosexualité, un péché ? Le terme « péché » est ici dévastateur. Il survient à la fin, par surprise, sans bruit. « Dieu ne bénit pas et ne peut pas bénir le péché » : mais de quel péché parle la note à ce moment du texte ? Ce n’est pas précisé, alors, forcément, on comprend : « Dieu ne peut pas bénir le péché de l’homosexualité. »

Sous-jacente à cette notion de péché homosexuel, une théologie du Dessein de Dieu dans la création qui exclut la réalité de l’homosexualité présente pourtant dans la nature depuis l’origine. Qui peut prétendre connaître les desseins de Dieu sur la création ? Dans le livre de la Genèse, il est écrit que Dieu bénit l’homme et la femme créés à son image et appelés à se multiplier. Personne ne remet en cause ce fondement de la vie humaine « homme et femme il les créa ». Mais qu’on le veuille ou non, si Dieu est le créateur de toutes choses, visibles et invisibles, c’est donc bien lui aussi qui a créé des hommes qui aiment des hommes, et des femmes qui aiment des femmes : cette réalité résiste à tous les efforts pour la nier. « C’est toi qui m’as créé Seigneur, qui m’a tissé dans le sein de de ma mère, je reconnais devant toi le prodige, l’être étonnant que je suis : étonnantes sont tes œuvres, toute mon âme le sait. Mes os n’étaient pas cachés pour toi quand j’étais façonné dans le secret, modelé aux entrailles de la terre. » Ps 138, 13-15

Je ne comprends pas qu’on puisse dire au nom de Dieu et à la place de Dieu que le Créateur s’est trompé en créant dès l’origine et jusqu’à aujourd’hui des hommes et des femmes naturellement homosexuels de naissance. Et d’ajouter que, pour se venger de sa propre erreur, Dieu condamnerait ceuxlà même qu’il a lui-même créés ainsi ? « En rejetant en bloc toute forme d’homosexualité active, l’Eglise se condamne à ne permettre aucun discernement moral », écrit René Poujol sur son blog au titre provocateur : « Eglise et homosexualité : la désobéissance en marche. »

En théologie, on apprend que le péché est un acte posé délibérément avec l’intention de faire le mal et de rompre avec Dieu. Comment une identité sexuelle reçue de naissance peutelle être, en elle-même, un péché, ou un état de péché ? N’est-ce pas plutôt ce que chacun fait de sa sexualité – hétéro ou homo – qui fait d’une relation une relation de péché ou une relation de grâce ? Nous sommes tous à la même enseigne, tous appelés à la sainteté par la chasteté, mais qui sont ces ecclésiastiques célibataires qui obligent leurs semblables à la continence, semant la confusion entre chasteté et abstinence sexuelle ? Déclarer l’homosexualité « péché », même le catéchisme catholique ne le fait pas, qui parle pourtant de « dépravation grave » et « d’actes intrinsèquement désordonnés ». Ce vocabulaire blessant et injuste doit impérativement et urgemment être révisé : irrecevable du point de vue de la charité envers nos frères et sœurs homosexuels, il est d’abord scandaleux du point de vue théologique. Un désastre. À l’heure où tant de crimes sexuels se révèlent avoir été commis par des hommes d’Eglise, ceux-ci feraient mieux de s’abstenir de parler de sexualité : un peu de continence verbale, messieurs! Tout le monde s’en portera mieux. – Pas de bénédiction Avant d’arriver au paragraphe final, la note commente et argumente longuement la réponse au dubium. « L’Eglise dispose-t-elle du pouvoir de bénir des unions de personnes de même sexe ? » – « Non ». L’explication tourne autour d’une définition de la bénédiction. Un rite liturgique qui appartient au genre des sacramentaux avec des effets spirituels obtenus par l’imploration de l’Eglise, etc.Pour être franc, le lecteur s’ennuie ferme. Le vocabulaire est très loin du langage d’aujourd’hui. La note énonce une série de conditions et de dispositions intérieures aptes à autoriser une bénédiction. Pour que celle-ci soit valide, sont requises l’intention droite de celui qui la reçoit et la ferme résolution à être fidèle « au dessein de Dieu inscrit dans la création ». Ainsi, parce qu’appartenant au genre des sacramentaux, la bénédiction prépare aux sacrements et est orientée vers eux. Et d’en conclure que toute bénédiction à un couple homosexuel est logiquement illicite, puisqu’elle ne peut conduire au sacrement du mariage parce que celui-ci est contraire au Dessein de Dieu. Ce n’est pas une discrimination injuste, précise la note, sur un ton modeste, presque en s’excusant, c’est seulement « la vérité du rite liturgique tel que l’Eglise le comprend. »

Mais qui est l’Eglise ici ? Pas toute l’Eglise, seulement et précisémentla Congrégation pour la doctrine de la foi. Parlant avec une assurance impressionnante, elle énonce ce que Dieu donne, comment il donne et à qui il donne. La note utilise un jargon alambiqué, incompréhensible pour ceux qui n’ont pas fait de théologie. Elle parle d’effets spirituels conférés par la bénédiction : chosifier ainsi le don de Dieu, c’est mettre la main sur ce don pour le maîtriser et le manipuler. Dieu ne donne rien, il se donne. Et qui oserait dire qu’à certains, il se donne un peu, à d’autres un peu plus, et aux parfaits, il se donnerait entièrement. Un Dieu qui donnerait ses effets spirituels au mérite, uniquement aux cœurs droits. En fermant les yeux, laissant la note, j’ai revu en pensée l’assemblée dominicale de ma paroisse, et comment le peuple de Dieu reçoit chaque dimanche la bénédiction du Seigneur. Cette bénédiction descend sur tous les membres présents, sans présélection, sans faire le tri entre ceux qui ont des intentions pures, et les autres. Comme la pluie descend sur tous, une pluie de bonté, d’encouragement, de réconfort, de force, le soleil de Dieu brille pour tous. Loin de toute « pastorale du guichet » dénoncée par le pape François, et à ses yeux, illégitime, je me répète que « l’Eglise n’est pas une douane, elle est la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile ». (E.G. 47, cité à nouveau dans A.L. au n°310) –

Un parallèle avec la controverse autour de l’accès aux sacrements des personnes divorcées remariées :

Nous retrouvons ici la même polémique qui a divisé les pères des deux synodes des familles à propos de la communion possible ou impossible aux personnes divorcées remariées. Au n° 305 d’Amoris Laetitia, numéro tellement décrié, le pape François ose écrire, en citantla commission théologique internationale : « La loi naturelle ne saurait donc être présentée comme un ensemble déjà constitué de règles qui s’imposent a priori au sujet moral, mais elle est une source d’inspiration objective pour sa démarche, éminemment personnelle, de prise de décision ». Forçons le parallèle : si l’eucharistie « n’est pas un prix destiné au parfait, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles » (E.G. n° 47) alors, on peut penser que la bénédiction, qui elle, n’est pas un sacrement, devrait être aussi un généreux remède et un aliment pour les couples homosexuels qui s’aiment et qui, pour durer ensemble, ont besoin de confier à Dieu leur faiblesse. Car il n’est pas plus facile à un couple homosexuel de s’aimer qu’à un couple hétérosexuel. Comment peut-on refuser la bonté de Dieu à des couples qui cherchent avec droiture à s’aimer chrétiennement tels qu’ils sont, et pas tels que nous rêverions qu’ils soient. Leur réalité est supérieure à nos idées. Engagés, missionnés dans cette pastorale d’accompagnement des personnes homosexuelles et des couples, nous sommes nombreux à refuser d’entretenir toute ambiguïté et confusion entre sacrement et bénédiction.

En France, que je sache, beaucoup d’entre nous ne parlent même pas de bénédiction, mais de prière. Prière d’action de grâce, prière de pardon, prière de supplication, prière universelle. Il n’y a pas que des prêtres qui offrent ce temps de prière à des couples qui se marient à la mairie. Il y a des laïcs, je suis une femme et j’ai animé moi-même, au nom de l’archevêque de Poitiers, un temps de prière dans une salle des fêtes pour deux femmes qui avaient déjà 33 ans de vie commune. J’ai pu dire que ces deux femmes désiraient inviter Dieu à la célébration de leur amour. Nous n’avons parlé ni d’alliance, ni de bénédiction, ni de mariage, mais de Dieu présent dans leur amour. Dieu toujours fidèlement présent à ceux qui se fient à lui. La vie est une longue histoire qui chemine, et Dieu ne nous attend pas seulement au terme d’une histoire rendue parfaite. Il marche pas à pas avec nous, et il nous dit : « Viens comme tu es. Deviens qui tu es! » Conclusion Pour finir, je rejoins tous ceux qui, dans l’Eglise, demandent pardon pour ce texte régressif qui ne fera aucun bien et beaucoup de mal. « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent » dit le psaume 84.

Dans cette note romaine, beaucoup trouveront au contraire qu’amour et vérité s’opposent, et que justice et paix se font la guerre.  Avec beaucoup de mes collèges engagés auprès de nos frères et sœurs homosexuelles et leurs familles, je redis mon respect. Je suis consternée, désolée et dans une grande colère. J’ai honte. « C’est pour un jugement que je suis venu dans le monde, dit Jésus, pour que ceux qui ne voient pas voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles. » Les pharisiens qui étaient avec Jésus entendirent ses paroles et lui dirent : « Est-ce que, par hasard, nous serions des aveugles, nous aussi ? » Jésus leur répondit : « Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez pas de péché. Mais à présent vous dites « nous voyons » : votre péché demeure. » (Jean 9, 38- 41)

J’attends que beaucoup réagissent, et déjà, je remercie les évêques qui ont eu le courage de prendre la parole haut et fort en exprimant leur désaccord et leur révolte : Mgr Johan Bonny, évêque d’Anvers, déjà cité. L’Evêché de St-Gall par la plume de son directeur du service pastoral Franz Kreissl. Mgr Georg Bätzing, évêque de Limbourg, président de la conférence des évêques allemands; Mgr Mark Coleridge, archevêque de Brisbane, en Australie. Le cardinal Blase Cupich, archevêque de Chicago aux États-Unis4 . J’espère que d’autres suivront. Y compris en France